« Cela va sûrement vous choquer, mais en tant que abolitionniste (1) je ne crois catégoriquement et fondamentalement pas à la punition (même sous couvert de l’appeler “conséquences”).
Je crois donc que même les personnes ayant véritablement causé du tort méritent sécurité, accès à l’emploi et à une communauté, et, oui, même de réussir.
Je crois qu’iels méritent les mêmes choses que tout le monde, car je ne crois pas à la punition (punition qui retire tout ou partie de ce que tout le monde mérite suite à un comportement nuisible ou simplement interdit).
Cela ne signifie pas que je pense que l’on ne devrait pas intervenir lors de situations de violence. Nous le pouvons et le devons absolument, et nous le pouvons et devons absolument sans recourir à la punition. (...)
Je suis survivante de violences intraconjugales, de pédocriminalité, de harcèlement, de viols multiples et agressions sexuelles et physiques de la part de membres de ma communauté et d’inconnu·e·s. Je prends la violence très au sérieux. Je me soucie grandement de la sécurité des survivant·e·s. Intervenir dans des situations de violence et soutenir des survivant·e·s dans leur processus de guérison est l’une des missions les plus importantes de ma vie.
Mais puisque je m’engage à résister à la logique de la “cancel culture”, qui anéantit toute distinction au sein de la diversité des personnes qu’elle “cancel” , il me faut souligner que la majorité des personnes qui font l’expérience de la “cancellation” ne sont ni agresseurs·euses, ni violeurs·euses, ni auteur·ice·s de violences d’aucune sorte. Alors que nous utilisons le vocabulaire de la responsabilité et de la sécurité pour justifier ces campagnes de harcèlement, elles sont souvent dirigées contre des personnes ayant exprimé des points de vue avec lesquels on est en désaccord, qui ont échoué à pratiquer un activisme performatif de la manière “exacte” attendue sur les réseaux, ou ont simplement refusé de prendre part au “cancelling” de quelqu’un·e d’autre.
Nous avons produit une culture de « gauche » dans laquelle il est littéralement dangereux d’exprimer contestation ou désaccord. Ce n’est pas une culture qui favorise la justice. C’est une culture autoritaire, dogmatique, où les personnes font ce qu’elles sont censées faire plutôt que de penser par elles-mêmes. »