Ce témoignage a été receuilli dans le cadre d'un questionnaire anonyme diffusé en 2019 lors d'un événement sur la justice intracommunautaire. « Voir son nom partout, sur toutes les listes mails féministes, rencontrer des gens n'importe où en France qui te disent : « ah, c'est toi X ? Désolé·e, mais je soutiens Y, je n'ai rien à faire avec toi » . C’est atroce.
Se faire sortir d'événements par des inconnu·e·s au bataillon sur la base de rumeurs de plus en plus enflées et sans aucun lien avec le départ du conflit.
Avoir peur d'aller en manif, d'aller boire un verre, de participer à tel ou tel événement.
Ne pas vouloir que des proches qui nous soutiennent s'affichent avec nous de peur que tout cela ne déteigne sur elleux et qu'iels subissent le boycott elleux aussi. Bref, je ne le souhaite à personne.
La chance que j'ai eue c'est de ne m'être jamais séparée complètement de ma vie d'avant. D'avoir conservé des liens forts avec mes amis d'enfance notamment (tous hétéros et éloignés à 10000% de cette communauté et de ses codes). D'avoir un lien très fort également avec ma mère et mon frère. Et d'avoir une amoureuse hors milieu qui a tout fait pour me protéger des conséquences de tout ça.
Les conséquences sont nombreuses et tenaces.
J'ai échappé, grâce à mon autre entourage, aux envies d'en finir (j'ai su pour d'autres que ça avait été plus dur), aux comportements à risques etc. Mais j'ai perdu durablement une partie de mon estime de moi-même et de ma confiance en moi.
Je me suis tout d'abord vue comme le monstre décrit sans prendre en compte la réalité de ce qui s'était vraiment produit, puis, voyant ma communauté marcher dans la combine sans sourciller, j'ai remis en cause tout ce que je savais, j'ai accédé à tout ce qu'on me demandait, dans l'espoir d'être réhabilitée. Tout ça n'aura servi qu'à renforcer les gens dans leurs certitudes que j'étais à bannir.
Au final, de tout cela, ressortent une colère sourde à l'égard de la communauté et une amertume qui m'ont fait la déserter complètement ou presque, même si aujourd'hui je pourrais y retourner, cette histoire est lointaine, il est certain que peu de gens s'en souviennent. »