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Binarité Agresseur / Victime

Quels impacts ont les représentations pénales du criminel et de la victime dans nos gestions de conflits intracommunautaires ?

Mar 11, 2022
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Dans son texte « A qui appartiennent les conflits ? », Nils Christie produit une critique du système pénal actuel, centré sur la sanction du criminel et non de sa victime. 

De nombreux criminologues ont travaillé sur la figure du criminel et ont tenté de prouver le déterminisme biologique ou social qui entraîne un individu à commettre un crime. Allant des typologies de criminels en fonction de la forme de leurs mains à la psychocriminologie, tout concourt à faire du criminel une personne d’exception difficile à comprendre dont il faudrait percer le secret.

Cet aspect exceptionnel ne correspond pas à la réalité. Nils Christie évalue à 1% le nombre d’infractions effectivement punies par le système pénal aux Pays Bas : nous sommes les 99%.

Le pendant de ce postulat, c’est l’essentialisation du criminel et sa réduction à son crime : loin d’être un individu complexe, avec une histoire, une personnalité, des qualités, le criminel n’est plus qu’une atrocité dont toute la vie se concentre à un moment de sa vie. C’est d’ailleurs pourquoi il peut subsister un sentiment d’injustice chez les personnes incarcérées, qui ne se reconnaissent pas dans l’image que le public et le système leur renvoient d’elles-mêmes.

Cette essentialisation du criminel entraîne une essentialisation de la victime. La figure de la victime, c’est la vieille femme blanche qui se fait racketer dans la rue par un inconnu : une femme, blanche / vulnérable et innocente (ce qui revient au même dans les représentations sociales). Le principal enjeu de la victime lors d’un procès est de se faire reconnaître en tant que telle en essayant de se rapprocher le plus possible de cette image. 

La plupart du temps, les personnes impliquées dans un procès se trouvent dépossédées de leur conflit, leur avocat leur disant quoi dire, quand se taire, quels arguments utiliser. Le jeu du procès invite les victimes à grossir les traits pour se faire entendre. Il rend impossible la nuance ou la reconnaissance de ses propres erreurs, le risque de ne pas être cru·e étant trop important.

Tous ces mécanismes ont un impact dans la manière dont nous jugeons, entre nous, les situations de conflit. Cette binarité nous empêche de voir la complexité des personnes qui s’opposent dans des conflits : la personne qui a fait du mal est réduite à ce mal, la victime, à sa peine. Cela empêche toute responsabilisation et surtout, enferme les personnes dans un cercle vicieux : l’auteur.ice du tort se voit comme victime car a l’impression qu’on l’essentialise et qu’on ne le·la considère pas en tant que personne ; la personne victime n’entend pas ses éventuels torts et s’enferme dans une position défensive basée sur sa totale innocence. En y réfléchissant, nous pouvons tenter de sortir dans cette approche binaire et manichéenne.

Références
- G. Ricordeau, Peines et crimes - Penser l’abolitionnisme pénal, 2021, Ed. Poche
- C. Baker, Pourquoi faudrait-il punir ? : Sur l'abolition du système pénal, 2004, Ed. Broché 
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