« Je crois qu’il est temps de prendre nos responsabilités et de cesser les généralités abusives : tou-te-s les jeunes LGBT ne sont pas suicidaires, toutes les personnes LGBT ne subissent pas des formes de violence et de harcèlement, et de fait la classe et la race restent des facteurs bien plus cruciaux lorsqu’il s’agit de rendre compte de la vulnérabilité à la violence, à la brutalité policière, au harcèlement, de l’accès réduit à l’éducation et des difficultés rencontrées dans le monde du travail. Cessons ce moralisme de diva, questionnons les désirs contemporains de messages prémâchés sur le progrès, le développement et les horizons des possibles ; regardons bien en face les privilèges qui permettent l’indignation et l’étalage public de la douleur ; admettons qu’être queer ne signifie plus systématiquement être brutalisé-e et plaidons pour des récits plus situés de la marginalisation, du traumatisme et de la violence.
Ne faisons pas la fête ailleurs quand Rome (ou Paris) brûle, ne nous laissons pas happer par cette rhétorique de la blessure individuelle quand les eaux montent, ne pleurons pas quand les bêtises s’accumulent ; regardons ces guerres internes comme la distraction qu’elles sont devenues. Il fut un temps où l’appellation « queer » désignait une opposition aux politiques identitaires, une volonté d’alliance, une vision de mondes alternatifs. »