Etre légitime est synonyme d’être dans son bon droit. C’est un mélange entre le fait d’être concerné·e par un sujet et d’en avoir une connaissance suffisante pour avoir des choses politiquement pertinentes à en dire. Dans nos communautés, « légitime » est surtout utilisé pour dire qu’on n’a pas le droit de se positionner sur tel ou tel sujet.
Le sentiment d’illégitimité se retrouve beaucoup parmi les populations minorisées. Contrairement à l’homme cis-het-blanc-valide-riche (le fameux) qui a appris à disserter sur n’importe quel sujet, nos communautés sont saturées du complexe de l’imposteur·se, ce qui entraine de réelles difficultés à prendre la parole ou à rentrer dans des espaces qui nous semblent trop « savants ».
Mais ce sentiment ne vient pas que de notre personnalité et de notre construction sociale. Il suffit de voir les réactions sur les réseaux sociaux quand une personne n’utilise pas le bon terme ou pose une question sur quelque chose que « tout le monde est censé savoir car il suffit de se renseigner ». Le coût social d’une erreur lexicale ou d’un manque de savoir peut être énorme : d’une simple remontrance à du harcèlement ou dog pilling.
Cela a de multiples conséquences : la peur de rentrer et nouer des relations dans « le milieu queer/féministe/militant », de prendre la parole en asso ou sur les réseaux, de poser des questions en se mettant dans une position de vulnérabilité parce que d’apprentissage.
Laisser plus de place aux erreurs, aux questionnements et à l’apprentissage permettrait aussi de dépasser des postures qui se calquent par mimétisme sur des “queer parfaits” (aka cellui qui passe 5J/7 en AG et qui se lève tous les matins à 4h pour lutter contre toutes les oppressions sans exception). Sans se questionner sur ce que je pense individuellement, où j’en suis dans mes questionnements, mon apprentissage, cela ne peut que rester une position superficielle qui est dangereuse dans la non remise en question des pratiques intégrées.
Le fait est que la pression à la « pureté militante » ou à savoir de quoi on parle avant même de commencer à en parler est telle qu’elle entraine une auto-censure et auto-exclusion d’une grande partie des queer, qui finissent par reproduire les pressions qu’iels ont elleux-mêmes subi sur les dernier·es arrivé·es.