La starification dans les milieux queer

La starification, c’est le phénomène de transformer une personne en star. Ces dernières années, ce phénomène est très présent dans les milieux queer car renforcé par les réseaux sociaux. Les luttes militantes queer, féministes etc. se trouvent incarnées par des individus dont les comptes militants sont très suivis.

Cela a plusieurs conséquences. Tout d’abord, la connaissance qu’on a d’une personne, de son comportement ou de ses fréquentations a une importance énorme dans le jugement qu’on a de ses écrits militants. Avec les RS, cette connaissance augmente parce qu’il est possible de suivre ses moindres gestes : avec qui et où elle traîne, quels comptes elle suit etc. 

Sa place dans la hiérarchie des oppressions est aussi décisive : nos milieux n’écoutent pas de la même manière une gouine cis blanche qu’un pédé trans racisé. Plus un compte grossit, plus les informations liées à la personne qui le tient (sa tête, ses hobbies, etc.) tendent à être partagées et à se mêler aux prises de position politiques.

‍

Plus que de simples idées, les gros comptes militants sur les RS communiquent un style de vie et se font la personnification des idées qu’ils expriment.

‍

La limite entre les idées politiques et les personnes s’estompe : les individus incarnent la lutte voire une sorte d’idéal politique (cf post la pureté militante). Entre la personnification des idées et la place prépondérante de l’écrit où évoluer sur ses positions est complexe, le débat est difficile voire impossible.

Cela a deux effets. Incarnant une sorte d’idéal politique, les personnes qui font des erreurs derrière les comptes sont jugées très durement, à la hauteur des attentes qui reposent sur elles. Elles ne sont pas vues comme des personnes apprenantes mais comme des personnes qui sont censées savoir. Souvent, un post de travers suffit à cancelled tous les travaux passés voire sa personne.

Deuxièmement, ces personnes étant derrière des comptes virtuels, on les attaque bien plus volontiers et violemment car elles sont désincarnées. Elles ont plus de risque d’être visées par des call-out proportionnels à leur popularité. Le travail gratuit de répondre aux DMs et aux commentaires (agressifs ou non) est un impensé, tout comme le travail émotionnel que ça demande.

Notre position sociale y est déterminée en fonction de qui on côtoie, où il est souvent bien vu de connaître telle « star queer » et où il est de bon ton de faire du name dropping en soirée pour prouver sa valeur sociale. Il serait donc intéressant d’interroger nos rapports à la notoriété.

‍

Références

- Sarah Schulman, Le conflit n’est pas une agression, 2021, Ed. B42