Jeux Olympiques des Privilèges et des Oppressions

« Un privilège, c’est un droit ou une dérogation qu’on accorde en tant qu’avantage, faveur ou bénéfice exclusif. Privilège de la race, privilège du genre (et d’identité), privilège de l’hétérosexualité, privilège économique (…)

Nous avons tendance à croire que, lorsqu’on nous accuse d’être privilégiés, on sous-entend que nous avons la vie facile, et nous en éprouvons du ressentiment parce que la vie est dure pour pratiquement tout le monde. (…)

Se résoudre à accepter un privilège est difficile, mais on n’attend rien de moins de nous. (…) 

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Une fois que vous avez reconnu que vous êtes privilégié, il n’est pas forcément nécessaire de faire quelque chose. Vous n'êtes pas obligé de vous en excuser. Vous devez appréhender l’étendue et les conséquences du privilège dont vous jouissez, et garder en tête que les gens qui ne sont pas comme vous traversent le monde et en font l’expérience d’une manière dont vous ne saurez peut-être jamais rien. Ils endurent peut être des situations dont vous ne connaissez rien. En revanche, vous pouvez mettre ce privilège au service du bien commun : essayer d’aplanir les obstacles pour tout le monde, travailler à la justice sociale, attirer l’attention sur la façon dont ceux qui sont privés de certains privilèges sont privés de leurs droits. Nous avons vu ce que l’accumulation des privilèges a produit, et c’est honteux.

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Quand on aborde ces questions, certains se mettent à jouer à un petit jeu très dangereux et inutile où ils tentent de mêler et de relier diverses caractéristiques démographiques pour déterminer qui gagne au jeu des Privilèges.

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Qui gagnerait la bataille entre une femme noire et riche et un homme blanc et riche ? Qui la gagnerait entre un homme blanc queer et une femme asiatique queer ? Et qui encore entre un prolétaire blanc et une femme mexicaine riche mais handicapée ? On pourrait y jouer toute la journée sans jamais trouver un vainqueur. Jouer au jeu des Privilèges, c’est de la masturbation mentale : il n’y a que ceux qui y jouent qui y trouvent leur compte.

Trop de personnes se sont autoproclamées membres de la police des privilèges, elles patrouillent dans les allées du discours, prêtes à rappeler aux gens leurs privilèges, que ceux-ci les admettent ou non. Dans les discussions en ligne, en particulier, le spectre du privilège tend toujours son ombre. Lorsqu’une personne écrit sur son expérience personnelle, il y a souvent quelqu’un d’autres, aux aguets, pour pointer un doigt tremblant et accuser le rédacteur de bénéficier de divers privilèges. Comment ose-t-on évoquer son expérience personnelle sans rendre compte de toutes les configurations possibles de privilèges qu’on a ou non ? (…)

Il faut que nous soyons en mesure de discuter des privilèges en les observant et en les reconnaissant plutôt qu’en portant des accusations. Nous devons être capables d’argumenter au-delà de la menace du privilège. Il faut que nous arrêtions de participer aux jeux Olympiques des Privilèges ou de l’Oppression, parce que cela ne nous mènera nulle part, jusqu’à ce que nous trouvions un moyen plus efficace de parler malgré nos différences. »

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Références

Roxane Gay, Bad Feminist, 2018, ed. Denoël