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Les allié·e·s et les injonctions contradictoires

« Pfff… Encore un post sur “être un·e bon·ne allié·e” ? » Pas vraiment.

Mar 11, 2022
Les allié·e·s et les injonctions contradictoires

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L’allié·e se détermine au regard d’une oppression spécifique (raciste, sexiste). Son existence n’est pas impactée négativement cette oppression.

L’allié·e est censé·e se renseigner, connaître sa place (même si cette place n’a l’air claire pour personne) et remettre en question sa position dans les rapports de domination sociétaux, et agir en tant que tel.


Dans nos milieux, la position d’allié·e est bourrée d’injonctions contradictoires. On leur dit qu’iels sont des oppresseur·se·s qu’iels le veuillent ou non mais qu’iels peuvent quand même être dans une position de soutien.

On leur demande de se battre pour une cause qu’on leur présente comme n’étant pas la leur, parce qu’iels nous le doivent bien en tant que dominant·es. On leur dit qu’iels vont forcément faire des erreurs parce qu’iels sont en état constant d’apprentissage, tout en les rembarrant quand iels en font (alors qu’on a vu mieux que la punition comme méthode pédagogique, cf « Pourquoi punit-on ? »). 

Dans nos espaces queer, l’injonction à être un·e bon·ne allié·e repose majoritairement sur la culpabilité, que ce soit l’auto-culpabilisation visant à effacer un péché originel* (« je suis dominant·e, je dois me repentir »), ou la culpabilisation d’autrui (« tu as pris trop de place dans cette réunion, excuse-toi »).

Dire à une personne qui a une honnête envie de s’investir et d’aider : « tu es un HSBC, tu m’oppresses immuablement et essentiellement et tu dois te battre contre ça », ne lui donne aucune clé sur où commencer et surtout, aucune réelle opportunité de changement. Notamment parce que c’est toujours très désagréable, pour tout le monde, d’être renvoyé·e à l’archétype diabolique du·de la « dominant·e », ça ne donnera envie à personne de faire mieux puisque quoiqu’iel y fasse, iel sera condamné·e à y être associé·e. 

Au contraire, dire, « tu es une personne singulière, et ce comportement spécifique relève pour moi d’une éducation ***iste dont tu n’es pas responsable, mais c’est de ta responsabilité de changer ce comportement » est beaucoup plus concret. Parce que c’est réalisable. Appuyer sur le levier de l’envie est beaucoup plus puissant : « qu’est-ce que j’aurais envie de faire ? »

C’est une question clé : soit nous décidons qu’être le plus nombreux·ses possible est un avantage politique pour nos luttes et qu’il faut pouvoir dégager du temps pour ça, soit nous nous disons qu’enclencher ce processus demande trop de travail et qu’il y a d’autres priorités. Se poser la question permettra peut être de dépasser cet entre-deux et ces injonctions contradictoires qui nous demandent collectivement beaucoup d’énergie.

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