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Les lois masculinistes sur le viol et l’inceste

Dans son entretien avec Victoire Tuaillon dans « La loi de l’inceste », Dorothée Dussy explique dans quelle mesure la définition légale du viol et de l’agression sexuelle est androcentrée et masculiniste.

Mar 11, 2022
Les lois masculinistes sur le viol et l’inceste

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TW Inceste, agression sexuelle, viol

Elle explique qu’au regard de la loi, toute la définition du viol repose sur son aspect pénétratif, sur le franchissement des « limites physiques » d’une personne. Les définitions légales d’une agression sexuelle et d’un viol produisent une hiérarchie légale de la violence. Par exemple, l’agression sexuelle est jugée au tribunal correction, le viol en cour d’assise.


Pourtant, il est tout aussi traumatisant d’être forcé·e de recevoir une pratique sexuelle que d'être forcé·e à en pratiquer une. Pourquoi la loi n’a donc pas été écrite au regard des dégâts réels subis par les victimes ?


Selon Dorothée Dussy, c’est parce que les lois ont été écrites à partir du point de vue des législateurs, des hommes cis hétéro blancs : « Si les gestes sexuels sans pénétration sont punis d’une sanction moindre, sont considérés comme moins graves, c’est en référence au moindre plaisir qu’il procure aux hommes et donc au législateur qui a produit ces lois.Tout est indexé au plaisir qui est procuré aux hommes et à ce dont on imagine qu’ils se sont interdits de faire ou inhibés ». Son expérience de dominant, l’empêche de concevoir comme inopérant que le critère de la pénétration pour définir la gravité de l’acte :

« Un gamin à qui on demande de masturber son frère ou son père, il est aussi mal derrière. Ils ne se sont pas du tout mis à la place de la petite fille ou du petit garçon. Tout le catalogue des peines est indexé au plaisir moindre que les hommes s’autorisent. C’est masculiniste ».

De même, le législateur considère que c’est pire de violer un garçon qu’une fille / un homme blanc qu’un homme noir / une femme blanche qu’une femme noire car il se réfère à son point de vue. Dans la société patriarcale et post-colonialiste, les corps des minorités sont vus comme à disposition des dominants (à différentes échelles). Du point de vue de la loi, il est donc moins grave de violer une femme, une personne racisée, une personne handicapée etc. qu’un homme cis blanc hétéro, aussi parce que les législateurs ne s’identifient pas à elleux. Mais cela ne veut pas dire qu’en réalité, il est plus simple pour les hommes cishet blancs ayant vécu des violences sexuelles de faire valoir leur version car il y a une sanction sociale pour ne pas avoir réussi à « se défendre » en tant qu’homme cishet.

Cette hiérarchisation masculiniste explique aussi pourquoi nous pouvons ressentir le besoin d’aller vers le pire pour légitimer une expérience traumatisante.Trouver les mots justes est donc un exercice périlleux. Produisons nos propres définitions queer et féministes qui permettront de faire entendre la pluralité des expériences de violences sexuelles, sans avoir à aller vers le pire pour être prises en compte.

Références
- Victoire Tuaillon, « La loi de l’inceste », Les couilles sur la table, 22 avril 2021
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