L’injonction au changement peut être adressée à un groupe social - par exemple, l’injonction militante à la « déconstruction » et à l’auto-pédagogie : « tous les HSBC doivent déconstruire leurs privilèges » ; ou à des individus, après qu’iels aient « fauté » (allant de l’erreur de vocabulaire à la perpétuation d’une agression sexuelle).
Dans le cas d’une situation de violence intracommunautaire, les auteur·ices de violence font face à une tension majeure : pour être réhabilité·es auprès de leur communauté, iels doivent faire preuve d’une prise de conscience et d’un changement propre et authentique mais celleux-ci ne seront vu·e comme valides que s’iels se font dans les termes et temporalités dicté·es par la communauté. Cette preuve repose sur plusieurs critères, à partir desquels la communauté va juger du degré d’intention du mal-agir et du risque de récidive : la prise de responsabilité, la culpabilité ressentie et la capacité réflexive vis-à-vis du passage à l’acte*.
Leur réhabilitation dans les lieux de sociabilité et les relations communautaires repose sur la cohérence du récit vis-à-vis de ce qui est attendu d’un·e « bon·ne coupable ».
C’est-à-dire : une personne qui reconnaît immédiatement les faits, qui montre de la culpabilité, qui peut exprimer les raisons qui l’ont amenée à agir ainsi. Parce que l’individu doit correspondre à ces normes pour être réintégré·e, cela bloque tout cheminement de pensée propre ainsi que l’expression d’un point de vue subjectif. Sans mentionner que tout le monde n’a pas les capacités sociales et psychologiques de produire un tel discours : ces attentes sont classistes et psycho-validistes.
Le risque encouru d’exprimer son désaccord ou son incompréhension est la mise au ban communautaire. Il arrive bien souvent que des personnes reconnaissent des faits dont elles ne sont pas coupables, soit pour tenter de répondre aux attentes collectives et de stopper des pratiques violentes (harcèlement, menaces physiques, exclusion) à leur encontre ; soit parce qu’elles n’ont pas eu le temps de réfléchir à leur propre vision des choses.
Si nous voulons que les personnes qui ont commis des violences prennent conscience de leur acte et entrent dans un réel processus de changement au vu de prévenir toute récidive, nous devons collectivement pouvoir leur en donner le temps et les moyens (soutien et écoute, conseils, aide théorique...).