En opposition avec le système judiciaire traditionnel, le précepte « écouter les victimes » se répand aujourd’hui dans les milieux militants - et c’est un grand pas ! Mais malgré une volonté de bien faire, la manière concrète dont ça se transpose peut parfois faire plus de mal que de bien, y compris aux cibles d’agressions. Ce post parle d’agressions verbales, physiques, psychologiques.
Dans les gestions d’agression telles que Fracas les rencontre, trois étapes ont été observées.
La cible de l’agression parle et raconte ce qu’elle a vécu. Une ou plusieurs personnes recueillent sa parole. Soit sa parole n’est pas prise en compte : il n’y a pas de gestion collective et elle en vient soit à s’auto-exclure, soit à se taire.
Soit elle est écoutée, alors une tentative de gestion d’agression se met en place.
Cette tentative va souvent être prise en charge par les cercles proches : par une seule personne, par un groupe ou par le collectif lui-même.
De ce qu’on a vu, la cible de l’agression n’est que peu ou pas consultée pour cette deuxième étape. Dans cette même volonté de la protéger ou de la préserver d’une réactivation du trauma, il est courant que les cibles ne soient plus au centre des décisions prises vis-à-vis de l’auteur·ice. C’est également au cours de cette étape que s’opèrent des essentialisation de la « victime » et de l’« agresseur·se ».
L’auteur·ice de l’agression n’est plus une personne qui a eu un comportement précis à un moment donné, mais un·e « agresseur·se » dangereux·se pour quiconque s’en approche, avec la potentialité constante d’agresser n’importe qui à n’importe quel moment.
La « victime » au contraire, est essentialisée à une position passive, sans capacité d’agir ou de choisir. Par ailleurs, en élargissant le cercle des personnes au courant, les versions racontées sont simplifiées, déformées, souvent vers le pire. Cf post « nommer sans aller vers le pire ».
Les personnes concernées par l’agression ou le conflit sont dépossédées de leur histoire. Elles ne peuvent plus prendre de décisions concernant leur processus de réparation ou de guérison car elles ne sont plus entendues par les personnes qui se sont chargées de la gestion. Souvent, l’auteur·ice de l’agression finit par se retrouver ellui-même cible de violences : harcèlement, exclusion etc. sans même que la cible de l’ait demandé ou ne le soutienne. A ce stade, « rien de ce qui est fait contre une personne jugée abusive n’est abusif ». Donner une juste place à la cible tout comme à l’auteur·ice de l’agression dans les processus de réparation et de gestion de conflit est complexe.
Vous trouverez des liens ci-dessous pour vous aiguiller !