« Vous soutenez les agresseur·ses »

Dans Surveiller et Punir, Foucault retrace l’historicité du système pénal actuel, en mettant notamment l’accent sur le tournant de la fin du XVIIIème siècle : le système judiciaire passe des sanctions pénales visibles par la population par les moyens des supplices sur place publique à des procès et peines secrètes, rendu.es dans le cadre d’un tribunal fermé, dont la population ne perçoit que les décisions de justice. Le système de justice est entièrement repensé, centralisé et automatisé ; et c’est au fil des années que la population est peu à peu dépossédée des illégalismes commis en son sein.

La justice transformative, c’est, comme l’affirme Gwenola Ricordeau*, la tentative par les communautés de se réapproprier les conflits, délits et crimes qui se déroulent en leur sein ; notamment parce que la justice étatique constitue plus un danger qu’autre chose vis-à-vis d’elles (cf post Justice transformative).

Contrairement au système pénal qui repose sur l’opposition de la victime et l’auteur·e de violence dans un procès, l’un des intérêts principaux de la JT est de considérer que la communauté autour de ces deux acteur·ices a une part majeure de responsabilité dans l’apparition et gestion du conflit ou de la violence. C’est dans cette pensée que Fracas se place. 

Lorsque nous parlons de changer notre traitement vis-à-vis des personnes ayant commis des violences, nous ne mettons jamais cette responsabilité sur la personne directement ciblée par le fait de violence, qui devrait être plus « compréhensive » ou « bienveillante ». Nous parlons toujours d’une réflexion des groupes autour : ami·es, militant·es etc.

La justice transformative est une réflexion sociale sur des méthodes de jugement collectif. Pour repenser les violences à un niveau inter-individuel, la justice restaurative offre sûrement des outils plus adaptés.

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Plus spécifiquement dans les communautés queer, tout le monde a déjà sûrement été victime (et auteur.e) d’un fait de violence. Le fait d’avoir déjà souffert de violence nous entraîne souvent à projeter nos propres traumatismes sur des situations dont nous sommes témoins. Afin de prendre nos responsabilités en tant que communautés qui reproduisent sans cesse des violences sur ses membres, il faut pouvoir sortir de la confrontation binaire plaignant·e-accusé·e portée par la justice étatique. Il est primordial de différencier une situation qui nous touche directement et une situation dont nous sommes témoins, dont nous sommes l’environnement et la communauté. 
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Nous sommes féministes et nous militons pour que toutes les violences commises envers les victimes de violence et envers leurs auteur·es, s’arrêtent. Nous ne défendons pas les agresseur·es. Toutefois, pour qu’il y ait moins de victimes de violence, il faut repenser notre rapport communautaire à elleux. Notamment parce que les auteur·ices QUEER de violence sont aussi majoritairement des personnes qui en ont subi par ailleurs, et que par manque de ressources et d’outils, elles n’ont pas su arrêter le cycle de la violence. Nous devons prendre soin d’elles aussi. Plus nous réussirons collectivement à inventer de nouveaux outils, à nous former sur leur prise en charge, à nous réapproprier les conflits sans passer par une justice raciste, classiste, LGBT+phobe et validiste ; plus il y aura une réelle prise de conscience du système de violence et remise en question de nos pratiques ; moins il y aura de victimes de violence. 

Références

◦ M. Foucault, Surveiller et punir, 1975, ed. Gallimard

◦ G. Ricordeau, Pour elles toutes. Femmes contre la prison, 2019, ed. Luc Editeur

◦ G. Ricordeau, Crimes & Peines. Penser l'abolitionnisme pénal, 2021, ed. Grevis